Page 2 sur 5 Lorsque la guerre de 1914-18 éclate, Lyautey est Commissaire Résident Général de France au Maroc. Il est le premier à occuper ce poste créé en 1912 par le traité de protectorat signé entre la France et le Maroc qui, de ce fait, est soustrait à la convoitise des Allemands. Imaginant que les premiers combats n’épargneraient pas la Lorraine, il a prévu l’évacuation et la dispersion en lieux sûrs des objets les plus précieux de Crévic. Mais, en raison de la priorité donnée aux transports militaires, seules quelques caisses peuvent partir. Très vite, les combats amènent les Allemands aux portes de Nancy, dont ils ne parviennent pas à s’emparer. Furieux, ils attaquent alors en direction de Lunéville pour tenter d’atteindre la trouée de Charmes. Le 22 août, précédés de tirs au canon, ils arrivent à Crévic et cherchent aussitôt le château ainsi que Madame Lyautey qui était là quelques jours auparavant Le château et ses dépendances sont pillés et incendiés. Le Résident Général vient de faire les frais de la rancœur et de la vengeance des Allemands à propos du traité de protectorat et de sa réussite au Maroc, où il doit faire la chasse aux espions et aux émissaires allemands qui cherchent à encourager la rébellion. Au cours de cette opération de représailles des maisons du village sont détruites et cinq habitants sont exécutés. Tout a disparu à jamais. Il ne reste plus que des pans de murs calcinés et prêts à s’effondrer. La nouvelle parvient rapidement à Lyautey au Maroc. Le choc est terrible, il est abasourdi, ébranlé et, s’il n’avait pas cette faculté de rebondir qu’on lui connaît, on pourrait dire anéanti. Si la perte de tout ce qu’il conservait avec ferveur lui est cruelle et insupportable, elle est aussi inestimable pour les historiens privés de notes et de lettres envoyées (il gardait des doubles) ou reçues avant ses soixante ans qu’il va atteindre. Pour fuir la souffrance, ne rien laisser paraître et oublier, il multiplie ses activités et se dépense dans tous les domaines. Il se confie cependant à quelques intimes : ”J'ai été frappé dans ce que j'ai de plus cher par la destruction de Crévic, pétrolé, amas de décombres, où rien n'a été sauvé de ce qu'y avaient accumulé dix générations, de tout ce que j'y avais réuni, toutes mes notes, documents, correspondance, souvenirs, une vie de quarante ans de labeur. Je garde la façade, mais je suis une momie vivante. Je tiendrai ici le coup jusqu'au bout avec le sourire, mais après cette guerre je m'ensevelirai.” Il pourra se rendre compte de l’ampleur du désastre en faisant un crochet par Crévic, à l’occasion d’une mission en France au cours de l’hiver 1914-15.
 1914 - Château de Crévic incendié  1915 - Lyautey vient constater les dégâts
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